C’est toujours un très mauvais signal en économie. En un an, les retards de paiement ont dérapé, bien au-delà des obligations légales, de douze jours pour les grands comptes et de quatorze pour les PME. La dérive a été mise à l’index par le cabinet de recouvrement de créances ARC, avec résonance dans plusieurs journaux. Elle n’a pas laissé insensible les hautes sphères du ministère de l’Économie. Depuis peu, Bercy en fait son cheval de bataille pour couper court au risque de voir institutionnaliser cette « pratique », aussi récurrente que nuisible. Selon Bercy, seules 30 % des entreprises règlent leurs factures à bonne échéance, fléau qui génère un trou de trésorerie estimé à 15 milliards d’euros et, par ricochet, cause des défaillances d’entreprises. Résultat : les pouvoirs publics entendent réserver un traitement particulier aux mauvais payeurs. Le 23 novembre, Emmanuel Macron himself a annoncé un train de mesures pour renforcer les textes en vigueur (loi de modernisation de l’économie de 2009, puis loi Hamon en 2014, qui stipule un délai de 60 jours maximum à compter de la date d’émission de la facture, ou 45 jours fin de mois). La mesure la plus lourde est la sanction pénale, avec un plafond d’amende relevé à 2 M€ (contre 375 000 € actuellement). De plus, les sanctions seront rendues publiques, ce qui est inédit en France. Et les commissaires aux comptes pourront, dans leur rapport de gestion, révéler les délais de paiement pratiqués, des deux côtés – de la part des clients et envers les fournisseurs. Pour enfoncer le clou, Bercy a mis au ban des groupes comme SFR Numéricable, Paul Prédault, Airbus Helicopters, Comasud…, condamnés à de lourdes amendes pour avoir laissé traîner les échéances. Les services de l’État n’étant pas plus vertueux, M. Macron s’est engagé à sévir en leur sein, selon les mêmes règles. L’Observatoire des délais de paiement, en lien avec la médiation interentreprises, servira à repérer les dérapages. Dans le transport routier, on se souvient qu’une loi, inspirée par Dominique Perben, avait déjà musclé le dispositif légal contre les mauvais payeurs (loi du 5 janvier 2006 et art. L 441-6 du Code du commerce). Puisse la mauvaise publicité, issue de condamnations rendues publiques, creuser un peu plus le fossé entre les entreprises qui paient leurs factures à l’heure et celles qui gagnent du temps et… de l’argent sur le dos des autres.
Éditorial