Chagrins ou échaudés, certains esprits ne donnent pas longue vie au principe d’indexation gazole si le prix du carburant devait rester durablement à ce niveau plancher. Il faut dire que la situation est exceptionnelle. Bien peu d’oracles et d’experts avaient anticipé un prix du baril à 30 dollars et un gazole à 83 centimes.
Une décrue sans précédent qui, mécaniquement, réduit le poste gazole dans le coût de revient du transport : 22,4 % pour un 40 tonnes en longue distance et 15,6 % pour un porteur en régional (voir les derniers indices CNR de décembre 2015). Résultat : la clause de répercussion, grâce à laquelle apparaissent les charges de carburant sur les factures, peut aboutir à une indexation négative depuis 2015. C’est le fruit du décalage produit par des indicateurs de base anciens et… non revus depuis plusieurs années. Créé en 2006 pour couvrir l’inflation et les aléas du prix du pétrole, le dispositif L 3222-1 serait donc devenu un boulet, antidote inutile. Faut-il aller jusqu’à le supprimer ? C’est peu de dire que cette remise en cause, pour l’instant mezza voce, risque d’ouvrir un débat qui ne mettra personne d’accord. Car la situation actuelle, où chacun refait ses comptes y compris chez les chargeurs, donne à voir trois profils de transporteurs. Il y a les « légitimistes », dans le droit fil de la position du CNR, qui rappellent que ce dispositif a été conçu, à l’origine, pour être neutre. Quand il est justement appliqué, il ne doit ni enrichir ni coûter à personne. Il y a ensuite les « opportunistes » qui constatent dans ce gazole bon marché un effet très avantageux en termes de trésorerie, depuis des mois. Même avec une indexation négative, le solde reste positif. Il y a enfin les « forts en thème » qui appliquent l’indexation avec des variantes, du type indicateurs compris dans une fourchette ou clause à effet de cliquet (qui protège contre le risque). Pas sûr qu’ils soient les plus nombreux… Sorti de ces trois approches, le bon sens voudrait que la formule d’indexation soit révisée avec les indicateurs les plus récents, de janvier 2016 par exemple, afin de coller au plus près de la réalité des prix de l’énergie. Mais pour certains transporteurs, cette approche peut déclencher une négociation commerciale plus globale non souhaitée. Une appréhension qui en dit long sur la volatilité du marché et l’infidélité des clients, jamais à court de nouvelles sollicitations.