Au final de la première manche de l’affaire Norbert Dentressangle, la relaxe générale, prononcée le 26 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Valence à l’endroit de trois personnes morales et de six physiques, laisse perplexe. Le verdict n’a pas produit le même buzz (ramdam, dit-on en français) que la décision du parquet de Valence, en mars, qui avait requis les peines maximales de trois ans de prison avec sursis et de 45 000 € d’amendes contre les six directeurs d’agence du groupe ND (pour prêts illicites de main-d’œuvre, délits de marchandage et travail clandestin). Mais il ne faut pas s’y tromper. Même si la relaxe ne fait pas les choux gras de la presse généraliste, elle doit être analysée au plus près dans l’univers du transport, à tous les échelons, des clients chargeurs à l’exploitation, en passant par les juristes et les inspecteurs du travail. Cette affaire, qui n’est pas terminée dans le sens où la cour d’appel de Grenoble aura en 2017 à reprendre le dossier, nous éclaire sur trois points. Le premier est que l’ampleur des moyens mis en place par les services de la lutte contre le travail illégal, les multiples perquisitions et les quatre ans d’instruction (menée à charge et en place publique, selon d’ex-dirigeants de ND) n’ont pas produit l’effet recherché par le ministère public devant la justice. Le deuxième point concerne la défense du groupe ND. Une fois de plus, et c’est l’évidence, il est précieux de se payer un très bon avocat. De l’avis unanime, la stratégie adjuvante initiée par Me Aguera, appuyée sur le recours en nullité sans se déprendre du fond, a visé juste. Le dernier point éclairant illumine le nombre de… zones grises qui parsèment la réglementation européenne du transport et son social. Les groupes internationaux la manipulent. Chez ND (devenu XPO en 2015), l’emploi de conducteurs roumains, polonais et portugais salariés de structures locales et faisant du transport national dans le cadre de transports internationaux, rémunérés dans les conditions du pays d’origine, a fait l’objet d’une organisation méthodique et juridiquement soupesée. Or cette affaire judiciaire n’est pas dénuée d’objet politique. Le fleuve des soupçons se nourrit du nombre de salariés détachés légaux qui a grimpé de 25 % en 2015.
Et selon un document révélé par Les Échos, le 30 mai, le recours à la main-d’œuvre détachée a été multiplié par dix en dix ans. Irréversible ?