Que le groupe MAN Trucks & Bus ait acquis en mai dernier (pour 8,5 M$) une start-up américaine spécialisée dans les transports connectés vaut tous les discours du nouveau monde sur la nécessité de participer à la révolution digitale ! La cible, FR8 Revolution Inc., abrite une plateforme B2B de réservation et de gestion de transports qui met en relation les chargeurs, affréteurs et transporteurs aux États-Unis. Elle permet aux expéditeurs d’organiser et de piloter leurs flux ; et aux transporteurs de hausser leurs taux de chargement. Grâce à elle, en remontant en amont vers le fret et les flux de marchandises, MAN (avec l’appui financier de Volkswagen) va accéder à de précieuses données d’exploitation, qui hier lui étaient peu accessibles, et les utiliser pour définir ses prochaines solutions de transport « efficient ». Cette acquisition n’est rien moins qu’une traversée du miroir pour le constructeur motoriste, qui se place dans une vision de long terme. Dans le transport routier, si l’idée générale est de faire des économies de carburant et de réduire les émissions polluantes, l’enjeu concerne de moins en moins le camion et de plus en plus les plans de transport, dans leurs complexités quotidiennes. Une redistribution des cartes, via le partage grandissant des données des systèmes d’informations, est en cours. Il est écrit que les plateformes collaboratives et applis mobiles vont favoriser la mise en relation directe entre les entreprises générant des expéditions de fret et les PME du transport routier. C’est la première lame, permise par les bourses de fret créées avec des chargeurs. Puis une deuxième lame pointe à l’horizon, qui va renforcer le rôle des TMS et applications progicielles. Objectifs : limiter l’opacité des prix de marché, contrôler l’identité et la qualité des prestataires, garantir le suivi de la marchandise et l’exécution de l’ordre de transport. L’optimisation du secteur routier, selon le principe du « planifier, budgétiser, mutualiser et piloter les flux en direct » est devenue un credo. Pour les entreprises de transport, se posent déjà plusieurs urgences : que voudra le client et sous quel contrat ? Quel avenir pour la fonction d’affréteur ? Quelle est ma valeur ajoutée ? Qui prend le pouvoir sur les flux ? Sans perdre de temps, les opérateurs de transport ont intérêt à investir dans la compréhension des plateformes informatiques qu’ils alimentent eux-mêmes et dont ils ne saisissent pas forcément le dessein.
Éditorial