La France n’est pas à la veille d’agiter le chiffon rouge d’un « Brexit » et de s’imaginer un avenir hors de l’Europe. Pour autant, les points de friction avec Bruxelles ne manquent pas. Le dernier exemple en date, qui fait des étincelles, vise la Commission qui a refusé (via une mise en demeure actionnée mi-juin) l’application prévue au 1er juillet du SMIC horaire français pour les conducteurs routiers opérant en France dans le cadre du cabotage (lesquels doivent en toutes circonstances pouvoir présenter leur contrat de travail et une attestation de détachement). Cette disposition, rédigée dans la loi Macron (voir le décret 2016/418 paru au JO du 9 avril), vaut donc menace d’infraction. Pour Bruxelles, ce salaire minimum national (voulu par la France et l’Allemagne) est une nouvelle façon d’élever les frontières. Ce dossier épineux, un parmi d’autres, montre qu’il existe plusieurs visions de l’Europe, plus ou moins libérale, penchant à l’Est ou à l’Ouest selon une kyrielle d’intérêts particuliers, déséquilibrée par les écarts sociaux. Toujours en chantier, la législation sur le détachement de salariés, très pratiqué dans le secteur du BTP, n’est pas claire. Pis, elle est carrément trouble dans le TRM au motif que le cabotage dépend d’une opération de transport international entre deux États membres. De ce fait, le lien avec le détachement est plus que ténu, selon les juristes de Bruxelles opposés à tout protectionnisme. Que d’ambiguïtés, dans cette lecture du droit européen, qui n’aident pas les entreprises à choisir la bonne voie ! Ce qui est moins douteux, c’est le fossé qui sépare le pôle FNTR-TLF-Unostra et l’OTRE sur la question du SMIC pour les routiers étrangers opérant dans l’Hexagone. Le premier ne voit rien d’étonnant dans la procédure d’infraction contre la France. Il regrette que des dispositifs nationaux de protection non applicables en l’état, qui « finissent par se retourner contre les intéressés eux-mêmes », prennent le pas sur une harmonisation globale sur le continent. Le second juge l’action de Bruxelles « contraire aux intérêts du pavillon routier français ». Et argue que le problème du cabotage n’est toujours pas réglé. Les deux prises de position, contraires, ne font que ressortir les antagonismes qu’il y a entre un affréteur au long cours et un transporteur, soudain promis à la schizophrénie quand les deux métiers cohabitent dans la même entité juridique.
Éditorial