Encore une amende record ! La sanction de 2,93 Md€ infligée par la Commission européenne à six constructeurs de poids lourds n’est pas sans rappeler, par son ampleur et ses équivoques, celle en France de l’Autorité de la concurrence qui a visé, en décembre 2015, les messagers pour un montant de 672 M€ d’amendes. Il y a quelques similitudes. Le verdict européen pointe du doigt plusieurs acteurs majeurs : MAN (filiale de Volkswagen), Volvo, Renault Trucks, Daimler, Iveco et Daf, condamnés au motif de s’être « entendus pendant 14 ans sur les prix de vente des camions ainsi que sur la possibilité de répercuter sur les acheteurs les coûts de mise en conformité avec les règles plus strictes en matière d’émissions polluantes » (pour Scania, autre filiale du groupe VW, l’enquête se poursuit). Applaudie par la vibrionnante commissaire chargée de la concurrence, Margrethe Vestager, la sentence a tenu compte de la part de marché cumulée « élevée » des constructeurs visés (avec coordination des prix au niveau des barèmes de prix bruts), de l’étendue géographique et de la durée (entre les normes euro 3 et euro 6) de l’entente. Une faute en trois dimensions qui a alourdi la main de la Commission européenne. Ainsi, en plus du fait que cette punition met sous le feu des projecteurs le secteur du transport routier (et que c’est toujours un groupe allemand, ici MAN, qui vend la mèche pour échapper à la sanction), elle souligne que les ententes secrètes et pratiques anticoncurrentielles sont chassées comme le ver dans le fruit. Ce qu’il faut en retenir, c’est que ces sanctions en lien avec les règles de la concurrence cherchent à éradiquer les lieux qui seraient propices à des accords illicites, pour peu qu’ils servent de réceptacles à des discussions sur des prix, des grilles de tarifs ou des remises commerciales. Ils sont, tôt ou tard, placés sous surveillance. Et jamais à l’abri de voir un membre actif se transformer en délateur qui, pour obtenir la clémence des autorités publiques, s’épanchera sans vergogne. Pour les structures et assemblées professionnelles en tout genre (clubs, syndicats, associations, groupements, amicales…), animées par des réunions et échanges réguliers, un surcroît de vigilance s’impose afin de ne pas tomber dans le piège de l’entente clandestine. Car, avec les outils de communication d’aujourd’hui et la viralité des contenus, Big brother est partout et enregistre tout.
Éditorial