Jusqu’où les transporteurs et leurs groupements trouvent-ils intérêt à entrer au capital de sociétés de services ? Quelle(s) signification(s) donner à des participations à des tours de table, voire à des prises de contrôle ? Le cas de Genedys (plateforme informatique d’achat de carburant en vrac), qui divise actuellement la profession et dont l’épilogue n’est pas encore écrit, pourrait faire date. Car il s’inscrit dans un contexte d’émergence de plate-formes numériques en tout genre (on en compte une dizaine), censées révolutionner le transport, « dépoussiérer » ses pratiques et modifier la structure des prix. Quelle attitude adopter devant les promoteurs de nouveaux services et dans quelle langue commune ? L’histoire récente donne quelques points de repère, avec pour noms H2P et H3P. La première holding détient B2PWeb, lancée en janvier 2010, qui avant d’être « la bourse de fret de la profession » (8 400 clients et 9 000 sites équipés en France) a été l’anonyme BDFweb découverte en 2006. Il a fallu la fusion d’intérêts communs bien compris et d’une politique tarifaire inédite pour donner crédit à cette initiative d’entrepreneurs. Moins médiatique mais tout aussi exemplaire, la seconde chapeaute PFM (Palet Facility Management) qui fournit et gère des flux de palettes Europe, sur le principe de l’échange. PFM Solutions, créée en 2012, née de l’initiative d’Astre et Burban, s’appuie sur 160 collecteurs dans l’Hexagone et traite deux millions de palettes par an. Beau succès. Dans les deux cas, des transporteurs, par centaines, et des groupements sont utilisateurs et actionnaires. Le mouvement a gagné les esprits. C’est qui en fait son originalité et sa complexité. Mais il a un fil rouge : quand le transporteur est doublement client et actionnaire, le premier n’est pas moins important que le second. C’est revendiqué dans le « par et pour les professionnels », en passe de devenir un leitmotiv. Dans les faits, il faut le lire sous un triple prisme. Le premier est opérationnel. L’outil promu doit être utile, au sens où il doit répondre à un besoin vérifié. Le deuxième est économique, les bénéfices (qui ne sont pas que financiers) devant être expliqués et partagés. Le dernier est connoté politique. Car il y a dans tout univers professionnel cette autodéfense à ne pas se laisser doubler ou, pis, à être mis à l’écart des innovations qui pourraient le bousculer. Le monde du TRM et ses chefs d’entreprises ne se disent pas disposés à se laisser « ubériser ».
Éditorial