Déjà l’an dernier, Laurent Livolsi avait osé la métaphore, forte, mais tellement porteuse de sens. L’universitaire avait lancé à l’assemblée présente à la Journée annuelle de l’Union TLF : « Si la France ne réagit pas dans des délais rapides, elle prend le risque de devenir la Bretagne de l’Europe en matière de flux logistiques. » Comprenez : la faiblesse endémique des ports français sur l’échiquier européen et mondial, couplé à l’organisation disparate, atomisée, de sa supply chain, risque de la tenir à l’écart des principaux flux logistiques mondiaux. Un an plus tard, même décor : la Maison des Polytechniciens à Paris. Et une nouvelle Journée TLF. Mais les acteurs ont changé au sein de l’organisation patronale que Claude Blot vient de quitter. Les premiers rôles ont été confiés au tandem Éric Hémar-Jean-Pierre Sancier, deux capitaines d’industrie – l’un à la tête d’ID Logistics, qu’il a créé, l’autre chez STEF, qu’il vient de quitter. Tous les deux ont été élevés au biberon de la haute performance, à tous les étages de l’entreprise, et sont rompus à l’exercice quotidien de la chasse aux coûts (secondaires) ainsi qu’à la quête permanente, vitale pour l’entreprise, de la valeur ajoutée. Ce n’est finalement pas un hasard si le gouvernement français a confié à Éric Hémar une mission d’étude sur la compétitivité de la filière logistique française. Le président de l’Union TLF a fait équipe avec Patrick Daher, un autre champion « du détail », celui qui, selon Aimé Jacquet, l’ancien sélectionneur champion du monde de foot en 1998, fait la différence avec l’adversaire. Là, en matière de compétitivité, c’est un euphémisme : on n’en est pas là. La France figure à la traîne du classement mondial des filières logistiques, au 16e rang (Banque mondiale). La supply chain française porte en son sein de nombreux handicaps, ont relevé les deux auteurs de l’étude. Elle le doit à son organisation, à la dispersion de sa représentation patronale, et également à l’indifférence notoire que lui manifeste le pouvoir politique. Près de deux millions d’emplois, 10 % du PIB à elle seule, et même pas un ministre – y compris celui de l’Économie – capable de mesurer les enjeux de la filière et d’accompagner son développement – dans un univers international ultra-concurrentiel – au travers d’une politique incitative. Même pas capable non plus d’apprécier à leur juste valeur les travaux forcés entrepris par les entreprises de TRM pour s’adapter, au fil des années, à la nécessaire évolution vers la transition écologique. Que ressortira-t-il, au niveau gouvernemental, de l’étude portée par le duo Hémar-Daher ? On lui souhaite un meilleur sort que celui réservé à France Logistique 2025, rangé dans un tiroir…
Éditorial